Epilogue V3 - Les Trois Cheveux d'Or

Publié le par Mélanie

               Il était une fois, au coeur d'une de ces nuits profondes, d'une de ces nuits obscures où la terre est noire, où les arbres semblent des mains noueuses sur le ciel bleu marine, un vieil homme qui se frayait péniblement un chemin dans la forêt, à demi aveuglé par les branches et les rameaux qui lui écorchaient le visage. Dans une main, il tenait une minuscule lanterne, dont la chandelle diminuait de plus en plus. L'homme avait de longs cheveux jaunes, des dents jaunes toutes fissurées, des ongles jaunes incurvés. Il était tout courbé et son dos arrondi ressemblait à un sac de farine. Ses rides étaient si profondes que sa peau pendait comme des fanfreluches à son menton, à ses aisselles, à ses hanches.
               Il s'accrochait à un arbre, et, tirant et poussant, avançait, puis s'accrochait à un autre et recommençait, de sorte qu'il parvenait ainsi à progresser dans la forêt, pareil à un rameur, le souffle court. Ses pieds étaient en feu jusqu'au plus petit os. Ses articulations semblaient grincer de la même voix que les hiboux dans les arbres. Dans le lointain on apercevait une petite lumière qui vacillait, une chaumière, un feu, un foyer, un lieu de repos et c'est vers elle qu'il avançait si laborieusement. Quand il atteignit la porte, il était totalement épuisé. Sa lumière mourut et il s'effondra en entrant.
              A l'intérieur, une petite vieille était assise devant un feu qui ronflait magnifiquement. Elle se précipita vers lui, le prit dans ses bras et le transporta près du foyer. On aurait cru une mère tenant son enfant dans les bras. Elle s'installa dans son fauteuil à bascule et se mit à le bercer. Ainsi étaient-ils tous deux, lui le vieil homme si frêle, un vrai sac d'os, et elle la vieille femme si forte qui le berçait en disant : "Là, là, là. Là, là".
             Elle le berça toute la nuit. Et quand vint l'approche de l'aube, il avait rajeuni ; c'était maintenant un beau jeune homme aux cheveux dorés, aux muscles longs et forts. Elle continuait à le bercer : "Là, là, là. Là, là".
             Et quand le matin fut encore plus proche, le jeune homme s'était changé en un tout petit enfant, un bel enfant avec des cheveux dorés comme des épis de blé.
             Quand ce fut l'instant de l'aube, exactement, la vieille femme arracha d'un geste rapide trois cheveux à la tête du bel enfant et les jeta sur les dalles. Ils firent : "Tiiing ! Tiiing ! Tiiing !"
             L'enfant alors quitta son giron et couru vers la porte. Il se retourna et regarda la vieille femme un moment, lui adressa un sourire éblouissant, puis se retourna, il s'envola dans le ciel et devint le brillant soleil du matin.

Ce conte tiré de "Femmes qui courent avec les loups" de Clarissa Pinkola Estés a pour thème la façon dont on peut réactiver le feu créateur et se recentrer. Elle écrit que se recentrer, faire une mise au point, c'est tout ensemble sentir, entendre et suivre les indications que donne la voix de l'âme. La femme dont les idées ou l'énergie se sont amenuisées ou taries a besoin de connaître le chemin vers cette vieille curandera, et doit pouvoir mener auprès d'elle l'animus fatigué pour qu'il soit remis à neuf. Les cheveux jetés au sol l'allègent comme la taille du bois permet à l'arbre de pousser plus robuste, le fait de pincer certaines plantes les fait s'ettofer. Le but est d'aller droit à l'essentiel des choses de la vie de chacune parce que là se trouvent notre plaisir, notre bonheur, notre paradis, un lieu où on a le temps et la liberté d'être, de flâner, de s'émerveiller, d'écrire, de chanter, un lieu d'où la peur est absente.

Un lieu qu'on peut ensuite quitter en disant "c'est mon chemin à moi et je vais où je veux".








Publié dans Pour finir

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J
"Para ir a donde no sabes, tienes de ir por donde no sabes" jean de la croix
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